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Israël, Hamas, Gaza, Egypte: le voile se lève sur le crime géopolitique en marche...
LES INCOHÉRENCES DU 7 OCTOBRE
Ce qui se cache derrière les mensonges de Benjamin Netanyahu
et les esquives du Hamas
par Thierry Meyssan
La version officielle de la guerre Hamas-Israël pose plus de questions qu’elle ne permet d’y répondre. L’auteur souligne ici sept contradictions majeures. À la réflexion, le Hamas et Benjamin Netanyahu, loin d’être des ennemis, agissent de concert sans égard pour la vie des Palestiniens et des Israéliens. Derrière eux les États-Unis et le Royaume-Uni tirent les ficelles.
RÉSEAU VOLTAIRE | PARIS (FRANCE) | 28 NOVEMBRE 2023
Le 22 septembre 2023, 16 jours avant l’attaque de la Résistance palestinienne, Benjamin Netanyahu, s’exprime à la tribune des Nations unies à New York. Il brandit une carte du « Nouveau Moyen-Orient » sur laquelle Israël a absorbé les Territoires palestiniens.
Nous réagissons à l’attaque contre Israël le 7 octobre et au massacre des civils palestiniens à Gaza en fonction des informations dont nous disposons. Or, nous sentons bien que la version officielle du gouvernement israélien et du Hamas est mensongère.
Sept questions majeures questions restent sans réponse :
• Comment le Hamas a-t-il pu creuser et aménager 500 kilomètres de tunnels à 30 mètres de profondeur sans éveiller l’attention ?
Le matériel de forage des tunnels est considéré comme à double emploi civil et militaire. Il n’est pas fabriqué à Gaza et ne peut en aucun cas y entrer, sauf complicité au sein de l’administration israélienne.
La terre excavée (1 million de m3) n’a pas été repérée par la surveillance aérienne. Même en supposant qu’elle ait été dispersée en de nombreux endroits différents et mêlée à celle de chantiers en cours, il est impossible que, durant vingt ans, les services de Renseignement israéliens n’aient rien détecté.
Le matériel d’aération des tunnels n’est pas considéré comme à usage militaire. Il est possible de le faire entrer à Gaza, mais la quantité nécessaire aurait dû attirer l’attention.
Le béton armé nécessaire pour solidifier les parois n’est pas fabriqué à Gaza. Lui aussi, il n’est pas considéré comme un matériel militaire, mais la quantité nécessaire aurait dû attirer l’attention.• Comment le Hamas a-t-il pu stocker un tel arsenal ?
Le Hamas, branche palestinienne de la Confrérie des Frères musulmans, dispose d’une grande quantité de roquettes et d’armes de poing. Certes, il a pu fabriquer lui-même certaines parties des roquettes, mais il est parvenu à importer, principalement d’Ukraine, et à faire entrer des milliers d’armes de poing à Gaza, malgré des scanners très performants. Cela paraît impossible sans complicité au sein de l’administration israélienne.
• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il écarté tous ceux qui l’ont prévenu ?
Le ministre égyptien du Renseignement, Kamel Abbas, lui a personnellement téléphoné pour le mettre en garde contre une attaque majeure du Hamas.
Son ami, le colonel Yigal Carmon, directeur du Memri, l’a personnellement mis en garde contre une attaque majeure du Hamas.
La CIA a envoyé à Israël deux rapports de renseignement mettant en garde contre une attaque majeure du Hamas.
Le ministre de la Défense, Yoav Galland, a été limogé en juillet parce qu’il avait mis en garde le gouvernement contre la « tempête parfaite », préparée par le Hamas.• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il démobilisé les forces de sécurité le 6 octobre au soir ?
Le Premier ministre a autorisé les Forces de sécurité à lever le pied à l’occasion des fêtes de Sim’hat Torah et de Chemini Atseret. Il n’y avait donc pas, au moment de l’attaque, le personnel nécessaire pour surveiller la barrière de sécurité autour de Gaza.
• Pourquoi les responsables de la Sécurité sont-ils restés enfermés au siège du Shin Bet ce matin-là ?
Le directeur du contre-espionnage (Shin Bet), Ronen Bar, avait convoqué une réunion des responsables de tous les services de sécurité, le 7 octobre à 8 heures du matin, pour examiner le second rapport de la CIA alertant sur une opération majeure du Hamas en préparation.
Or, l’attaque a débuté le même jour à 6 heures 30. Les responsables de sécurité n’ont pas réagi avant 11 heures. Qu’ont fait ces responsables durant cette interminable réunion ?• Qui a enclenché la « directive Hannibal » de cette manière et pourquoi ?
Lorsque les Forces de sécurité ont commencé à réagir, les FDI ont reçu l’ordre d’appliquer la « directive Hannibal ». Celle-ci stipule de ne pas laisser les ennemis prendre des soldats israéliens en otages, quitte à les tuer. Une enquête de la police israélienne atteste que l’aviation israélienne a bombardé la foule qui fuyait la Rave Party Supernova. Une part importante des morts du 7 octobre ne sont donc pas des victimes du Hamas, mais de la stratégie israélienne.
Or, la « directive Hannibal » ne s’applique en théorie qu’aux soldats. Qui a décidé de bombarder une foule de civils israéliens et pourquoi ?
Il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer avec certitude quels Israéliens ont été tués par les assaillants et quels autres l’ont été par leur propre armée.• Pourquoi les forces occidentales menacent-elles Israël ?
Le Pentagone a déployé deux groupes navals, autour de l’USS Gerald Ford et de l’USS Eisenhower, et un sous-marin porteur de missiles de croisière, l’USS Florida. Haaretz a même évoqué un troisième porte-avions. Les alliés des États-Unis (Arabie saoudite, Canada, Espagne, France, Italie) ont installé des chasseurs-bombardiers dans la région.
Ces forces ne sont pas installées pour menacer la Türkiye, le Qatar ou l’Iran, que la presse occidentale accuse d’être impliqués dans l’attaque du Hamas, mais au large d’Israël, à Beyrouth et à Hamat. C’est Israël qu’elles encerclent. Et Israël seul.QUE CACHENT CES MYSTÈRES ?
À l’évidence la version défendue à la fois par le Hamas et par Israël est fausse. Nous devons envisager d’autres explications possibles afin de ne pas nous faire manipuler, ni par les uns, ni par les autres.
Formulons une hypothèse. Rien ne permet de dire si c’est la bonne, mais elle est compatible avec les éléments factuels, ce qui n’est pas le cas de la version aujourd’hui partagée par tous. Elle est donc meilleure que celle-là. Elle est évidemment extrêmement choquante, mais seuls ceux qui sont capables de répondre aux 7 questions précédentes peuvent l’écarter.
Cette interprétation repose sur une analyse de la structure complexe du Hamas, dont les combattants de base ignorent ce que trament leurs dirigeants. La voici :
L’ensemble de l’opération du Hamas et d’Israël est pilotée par des États-uniens, peut-être sous la direction du straussien Eliott Abrams [1] et de sa Vandenberg Coalition (Think Tank qui a succédé au Project for a New American Century). La Confrérie des Frères musulmans et les sionistes révisionnistes, qui apparemment se livrent une guerre cruelle, sont en réalité complices sur le dos des combattants de base du Hamas, sur celui du Peuple palestinien et sur celui des soldats israéliens. Voici leur plan : le Hamas est présenté comme la seule force de Résistance efficace à l’oppression des Palestiniens, mais il laisse Israël liquider l’espoir d’un État palestinien, tandis que la Confrérie des Frères musulman, auréolée du sacrifice des Palestiniens, prend le pouvoir dans le monde arabe.
Les chefs de la branche militaire et de la branche politique du Hamas sont tous deux subordonnés au Guide de la Confrérie des Frères musulmans à Gaza, Mahmoud Al-Zahar, le successeur de cheik Ahmed Yassine, dont pourtant personne ne parle. De son point de vue, la Confrérie sera la grande gagnante du « Déluge d’Al-Aqsa », y compris si Gaza est rasée et les Palestiniens chassés de leur terre.
Mahmoud Al-Zahar, Guide de la branche palestinienne des Frères musulmans, c’est-à-dire du Hamas. Son autorité est reconnue à la fois par la branche politique et par la branche combattante de l’organisation. Il déclarait en décembre 2022 : « L’État hébreu n’est que le premier objectif. La planète entière sera bientôt placée sous notre loi ».
Rappelons que le Hamas est aujourd’hui divisé en deux factions. La première, sous l’autorité d’Ismaël Haniyeh, reste sur la ligne de la Confrérie. Elle ne cherche ni à libérer la Palestine de l’occupation israélienne, ni à fonder un État palestiniens, mais se consacre à l’édification d’un Califat sur tous les pays du Moyen-Orient. La seconde, sous l’autorité de Khalil Hayya, a abandonné l’idéologie de la Confrérie, et se bat pour mettre fin à l’oppression du Peuple palestinien par les Israéliens.
La Confrérie des Frères musulmans est une société secrète politique, organisée par les services de Renseignement britanniques sur le modèle de la Grande Loge unie d’Angleterre [2] Elle a progressivement été récupérée par la CIA au point d’être représentée au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Après l’effondrement des régimes islamistes du printemps arabe, la Confrérie s’est fracturée en deux tendances. Le Front de Londres, autour du Guide Ibrahim Munir (mort il y a un an), propose de sortir de la crise en quittant le champ politique et en obtenant la libération des prisonniers en Égypte. Le Front d’Istanbul, dirigé par le Guide intérimaire Mahmoud Hussein, préconise au contraire de ne rien changer et de continuer la lutte pour instaurer un Califat. Un troisième groupe tente de fixer une position intermédiaire en avançant l’idée d’abandonner la politique, le temps d’obtenir la libération des prisonniers, pour mieux la reprendre par la suite.
Réunion au Conseil national de sécurité US, le 13 juin 2013 à la Maison-Blanche. On reconnait Gayle Smith (seconde à droite) et le Frère Rashad Hussain (quatrième à gauche). Le conseiller national de sécurité, Tom Donilon, participait également à la réunion, mais ne figure pas sur la photo. Surtout, on reconnait le représentant des Frères musulmans et adjoint de Youssef al-Qaradâwî, le cheik Abdallah Bin Bayyah (second à gauche avec le turban).
Source : Confrérie des Frères musulmans
Les Frères musulmans combattent pour prendre le pouvoir dans tous les États arabes, comme ils l’ont fait en Égypte en 2012-13.
Rappelons que, contrairement à l’opinion répandue en Occident, Mohamed Morsi n’a jamais été élu démocratiquement président de l’Égypte, ce fut le général Ahmed Chafik. Toutefois, la Confrérie ayant menacé de mort les membres de la Commission électorale et leurs familles, celle-ci, après 13 jours de résistance, déclara Morsi élu, malgré le résultat des urnes. Par la suite, en 2013, 40 millions d’Égyptiens défilèrent contre lui, demandant à l’armée de les délivrer des Frères musulmans. Ce que le général Abdel Fatah Al-Sissi fit.Aujourd’hui, les Frères musulmans ne sont aux affaires qu’en Tripolitaine (Ouest de la Libye) où ils ont été placés au pouvoir par l’Otan. Ils ne sont les bienvenus qu’au Qatar et en Türkiye (qui n’est pas un État arabe). Ils sont interdits dans la majorité des États arabes, notamment en Arabie saoudite (dont ils ont tenté de renverser le monarque en 2013) et aux Émirats arabes unis (impliquant la crise entre le Qatar et les autres États du Golfe). Et surtout en Syrie (dont ils ont tenté de renverser le gouvernement en 1982 et à laquelle ils ont livré une guerre, de 2011 à 2016, aux côtés de l’Otan et d’Israël). Ils sont sur le point de l’être en Tunisie (qu’ils ont dirigée durant une décennie).
Si le véritable objectif de ce massacre n’est pas le statut de la Palestine, mais la gouvernance des États arabes, nous devons nous attendre à une vague de changement de régimes au Moyen-Orient, chaque fois au profit de la Confrérie, bref, à une sorte de second « printemps arabe » [3].
Comme lors du printemps arabe, les services britanniques assurent la communication de la Confrérie. On se souvient de la manière dont ils ont fait la promotion du Frère Abdelhakim Belhaj en Libye [4] ou des magnifiques logos qu’ils avaient conçus pour la kyrielle de groupe jihadistes en Syrie. Des fuites au Foreign Office ont permis de confirmer tout cela. Cette fois, ils ont créé un nouveau personnage, Abou Obeida, le porte-parole de l’organisation combattante à Gaza. Cet homme, inconnu il y a peu, est subitement devenu une star dans le monde musulman où l’on s’arrache des posters à son effigie. Longuement formé à la prise de parole, il manie les symboles avec une aisance sans précédant chez des leaders sunnites.
Les gouvernements arabes agissent donc avec prudence en soutenant la création d’un État palestinien tout en se tenant à distance du Hamas. Tandis que le Hamas fait tout pour rendre impossible la création d’un État palestinien.
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NOTES:
[1] « Le coup d’État des straussiens en Israël », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 mars 2023.
[2] Lire « Les "Printemps arabes", vécus par les Frères musulmans » in Sous nos yeux, Thierry Meyssan, Demi-Lune éditions. Ce passage du livre est disponible sur notre site en six parties.
[3] « Comment le projet de « Printemps arabe » se superpose à la « doctrine Cebrowski » », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 24 décembre 2021.
[4] « Comment les hommes d’Al-Qaida sont arrivés au pouvoir en Libye », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 6 septembre 2011.
https://www.voltairenet.org/article220060.html
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LES INCOHÉRENCES DU 7 OCTOBRE (II)
Le Qatar, les Frères musulmans, le Hamas et Israël
par Thierry Meyssan
Contrairement à la manière dont on présente le Qatar, l’émirat n’est pas un négociateur neutre dans l’affaire des otages de l’opération Déluge d’Al-Aqsa. Une bévue de sa ministre, Lolwah Al-Khater, venue suivre les négociations à Tel-Aviv, montre, au contraire, que Doha exerce une autorité sur le Hamas. Les nouveaux membres du cabinet de guerre israélien ont découvert avec surprise que le Qatar avait participé au complot de Benjamin Netanyahu pour préparer l’attaque contre Israël, le 7 octobre 2023.
RÉSEAU VOLTAIRE | PARIS (FRANCE) | 5 DÉCEMBRE 2023
Cet article fait suite à « Ce qui se cache derrière les mensonges de Benjamin Netanyahu et les esquives du Hamas », par Thierry Meyssan, 28 novembre 2023.
Lolwah Al-Khater
LA BÉVUE DE LOLWAH AL-KHATER
Lolwah Al-Khater, ministre qatarie à la Coopération internationale, s’est rendue à Tel-Aviv, le 25 novembre 2023. C’était la première fois qu’un officiel qatari visitait Israël. Elle a été reçue par le cabinet de guerre pour résoudre les problèmes d’application de l’accord sur les échanges d’otages. Elle s’est également rendue à Gaza.
Habituée aux discussions avec David Barnea, directeur du Mossad, elle ne semble pas avoir saisi que le cabinet de guerre ne comprend pas seulement des fidèles du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Sans se cacher, elle a alors, pour gagner du temps, pris des décisions au nom du Hamas, sans en référer à lui.
Les membres de l’ancienne opposition qui ont rejoint le cabinet d’urgence et ont assisté à cette discussion, ont été choqué de la voir sortir de son rôle de médiatrice et de laisser entrevoir ses liens d’autorité sur le Hamas, branche palestinienne de la Confrérie des Frères musulmans.
À la sortie de cette réunion, Joshua Zarka, directeur général adjoint des Affaires stratégiques du ministère israélien des Affaires étrangères, a déclaré qu’Israël « réglera ses comptes avec le Qatar » dès qu’il aura terminé son rôle de médiateur. En effet, si le Qatar a la possibilité de donner des ordres au Hamas, il ne peut masquer plus longtemps sa responsabilité dans l’attaque du 7 octobre. Non seulement, ce n’est pas un médiateur, mais c’est un ennemi des Israéliens.
Revenons un instant sur l’identité du Qatar.
LE QATAR ET LES ÉTATS-UNIS
Le Qatar n’est devenu indépendant de l’Empire britannique qu’en 1971. Son premier émir, Khalifa ben Hamad Al Thani, se tourne alors vers la France. Il développe son pays en se méfiant des revenus faciles des hydrocarbures. Mais, en 1995, il est renversé par son fils, Hamad ben Khalifa Al Thani. Le nouvel émir conclu des accords gaziers, mais aussi pétroliers, principalement avec des sociétés anglo-saxonnes (Exxon Mobil, Chevron Phillips, Shell, Centrica), française (Total), chinoises (China National Offshore Oil, CNOOC, Petrochina), indiennes, sud-coréennes et japonaises. L’argent coule désormais à flot.
En 1996, dans la foulée des accords d’Oslo, le Qatar crée avec les juifs franco-canadiens David et Jean Frydman, amis d’Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat, une télévision panarabe pour confronter les points de vue arabes et israéliens, Al-Jazeera. C’est un succès immédiat. Cependant, la chaîne, qui participe intellectuellement au mouvement pour la paix en Israël, devient la bête noire des États-Unis lors de leurs guerres contre l’Afghanistan et contre l’Iraq.
En 2002, les États-Unis concluent un accord militaire avec le Qatar. Ils y installent le quartier général du commandement de leurs troupes au Moyen-Orient, le CentCom, sur la gigantesque base d’Al-Udeid. Celle-ci abrite 11 000 soldats et une centaine d’avions. Pour cela ils retirent leurs hommes d’Arabie saoudite.
Le Pentagone rappelle alors à l’émir qu’il n’est pas en mesure de le défier : un matin, il est réveillé par des Forces spéciales, dans sa chambre à coucher. Un officier US lui assure qu’ils viennent de le protéger d’un imaginaire coup d’État. L’émir comprend le message et se conforme désormais aux exigences de ses protecteurs.
En 2005, l’actionnariat d’Al-Jazeera est ébranlé par le boycott des annonceurs saoudiens. Les frères Frydman se retirent de la chaîne. Elle est complétement reformatée par la société de conseil JTrack. Celle-ci place le Frère Wadah Khanfar à sa tête [1]. Progressivement, il censure toute critique de l’« impérialisme américain » et va même jusqu’à retirer certaines images montrant les crimes états-uniens en Iraq. Al-Jazeera, dont plusieurs journalistes sont tués par les forces US et dont un collaborateur est fait prisonnier et torturé à Guantánamo, devient le porte-voix des puissances anglo-saxonnes et donne la parole à l’islamisme sunnite. En 2009, Wadah Khanfar visite les États-Unis où il est reçu par tous ceux qui comptent parmi les élites dirigeantes.
En 2008, l’émir intronise un nouveau président au Liban, en violation de la Constitution, en lieu et place du président sortant.
En 2011, le patron de JTrack, le Frère Mahmoud Jibril, devient soudainement le leader de la contestation du régime, dont il était pourtant un ministre. Le Frère palestinien Wadah Khanfar quitte Al-Jazeera pour présider un think tank turc, l’Al-Sharq Forum. La chaîne est reprise en main par le Premier ministre, cheikh Hamad ben Jassem ben Jaber Al Thani. Instantanément, elle se met au service de l’Otan, dont elle devient le principal outil de propagande dans le monde arabe. Elle donne une vision partiale des conflits en Libye et en Syrie pour se transformer en chaîne de la Confrérie des Frères musulmans. L’imam Youssef al-Qaradawi devient le prédicateur officiel de la chaîne. Il explique à ses auditeurs que Mahomet serait sans aucun doute aujourd’hui du côté de l’Otan.
Le Qatar devient le principal entremetteur au Moyen-Orient. Il négocie des accords de paix entre arabes, partout où les États-Unis le lui demandent, au Sahara occidental, dans les rivalités interpalestiniennes, au Darfour, en Érythrée et au Yémen. Mais il peut aussi utiliser son pouvoir pour relancer des guerres. Ainsi, en 2012, il donne 2 milliards de dollars au Soudan, du Frère Omar al-Bashir, pour qu’il rappelle son envoyé spécial, le général Mohammed Ahmed Mustafa al-Dabi [2]. Celui-ci, jusque là apprécié de tous notamment pour son rôle pacifique au Darfour, avait été nommé président de la Mission internationale de la Ligue arabe en Syrie. Lui et ses collègues avaient eu accès à tout ce qu’ils voulaient voir. Dans un rapport préliminaire, il avait conclu que les médias occidentaux mentaient et qu’il n’y avait pas de révolution en Syrie.
En 2013, l’émir abdique au profit de son fils, Tamim ben Hamad Al Thani.
LA « CRISE DU GOLFE »
De juin 2017 à janvier 2021, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis menèrent un blocus du Qatar, paralysant le Conseil de coopération du Golfe. Cette Guerre froide a été mal interprétée. Selon le Financial Times, elle serait liée à une sombre histoire de paiement de rançon, selon d’autres à une déclaration de l’émir, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, favorable à l’usage politique de l’islam tel que le pratiquent aussi bien la Confrérie des Frères musulmans que l’Iran.
En réalité, le président de la République arabe d’Égypte, Abdel Fattah al-Sissi, était parvenu à se procurer des documents de la société secrète qui avait gouverné son pays durant un an, la Confrérie des Frères musulmans. Ancien directeur du Renseignement militaire, il les avait étudiés. Après le discours, à Riyad, du président états-unien Donald Trump contre le terrorisme des Frères musulmans (21 mai 2017), il avait compris l’usage qu’il pouvait en tirer. Il avait donc transmis au roi les preuves en sa possession espérant obtenir son soutien dans sa lutte contre les Frères. Ils contenaient les preuves d’un complot de la Confrérie et du Qatar pour renverser le roi d’Arabie, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Pour le roi et son fils, ce fut un choc : non seulement la Confrérie que le Royaume avait choyée durant des années, lui accordant un budget militaire plus important que celui de sa propre armée, se permettait de soutenir Daesh, mais elle s’en prenait aussi au monarque.
Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn, suivis par le gouvernement yéménite d’Abdrabbo Mansour Hadi, le gouvernement libyen de Tobrouk, la Mauritanie, les Maldives et les Comores rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ces pays ferment leurs frontières terrestres, aériennes et maritimes à l’émirat, l’étranglant soudainement. Le président états-unien, Donald Trump, prend parti et accuse le Qatar de financer « l’extrémisme religieux ». L’émirat est soutenu par la Turquie, le Maroc, le Hamas, l’Iran et l’Allemagne où le Guide national de la Confrérie, Ibrahim el-Zayat, a alors ses entrées au ministère des Affaires étrangères. Le Niger et le Tchad soutiennent, eux, l’Arabie saoudite.
L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn adressent un ultimatum en 13 points au Qatar [3]. Il s’agit de rompre avec l’islam politique et ses soutiens : la Türkiye et l’Iran.
La crise ne trouvera de solution que lorsque le président états-unien, Donald Trump, tente de réconcilier les pays arabes entre eux et avec Israël. Il organise le rapprochement entre le Maroc et Israël, puis celui de la crise du Golfe. La polémique autour de l’islam politique est mise en sourdine.
L’ÉMIRAT DU QATAR ET LA CONFRÉRIE DES FRÈRES MUSULMANS
La Confrérie (Ikwan) poursuit le but que lui a fixé son fondateur, l’Égyptien Hassan El-Banna, à la fin de la Première Guerre mondiale : rétablir le Califat [4]. Dans une lettre au Premier ministre égyptien de l’époque, il décrit ses trois objectifs :
« une réforme de la législation et l’union de tous les tribunaux sous la charia ;
le recrutement au sein des armées en instituant un volontariat sous la bannière du jihad ;
la connexion des pays musulmans et la préparation de la restauration du Califat, en application de l’unité exigée par l’islam ».L’Ikwan est une société secrète organisée sur le modèle de la Grande Loge Unie d’Angleterre. On ne connaît donc son action qu’à partir de témoignages de ses anciens membres ou de documents saisis lors de ses défaites.
Dès sa création, la Confrérie s’est doublée de milices chargées d’assassiner ses opposants. Elle s’est d’abord développée en Égypte, puis dans tout le monde arabe et au Pakistan. Le Royaume-Uni et les États-Unis n’ont pas tardé à recourir à ses hommes politiques (comme le Frère Muhammad Zia-ul-Haq au Pakistan ou le Frère Mahmoud Jibril en Libye, et à ses milices, comme Al-Qaïda, Daesh, ou la Ligue de protection de la révolution tunisienne. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, le président Barack Obama a désigné un membre de la Confrérie, Mehdi K. Alhassani, au sein de son Conseil national de Sécurité, afin d’établir un lien permanent avec elle [5].
Lorsque les États-Unis ont débuté l’épisode syrien de la « Guerre sans fin », ils ont demandé au Hamas de déménager son bureau de Damas à Doha. Lorsque l’Arabie saoudite a définitivement rompu avec la Confrérie, en 2014, le Qatar l’a spontanément remplacé. Sans disposer des mêmes moyens que son puissant voisin, l’émirat en est devenu le grand argentier avec l’approbation des États-Unis. En 2018, c’est le Qatar qui prend en charge les salaires des fonctionnaires du Hamas à Gaza. Avec l’accord de Benjamin Netanyahu, son ambassadeur s’y rend avec des valises pleines de 15 millions de dollars en petites coupures. L’opération sera renouvelée chaque mois.
En 2022, le président états-unien, Joe Biden, élève le Qatar au rang d’Allié majeur hors-Otan ; un honneur réservé à une dizaine de pays dans le monde.
La bévue de Lolwah Al-Khater atteste que le Qatar est plus que cela. Il exerce une autorité sur la stratégie politique et militaire du Hamas.
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NOTES:
[1] « Wadah Khanfar, Al-Jazeera et le triomphe de la propagande télévisuelle », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 23 septembre 2011.
[2] « La présidence de la Ligue Arabe cherche à étouffer le rapport de ses experts », Réseau Voltaire, 26 janvier 2012. « Le Qatar achète la démission du général al-Dabi », Réseau Voltaire, 13 février 2012.
[3] « Les 13 points de l’ultimatum saoudien au Qatar », Réseau Voltaire, 23 juin 2017.
[4] « Les Frères musulmans en tant qu’assassins », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 21 juin 2019.
[5] « Un Frère musulman membre du Conseil de sécurité nationale des États-Unis », Réseau Voltaire, 25 juin 2014.
https://www.voltairenet.org/article220094.html
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SOURCES :
Israël, Hamas, Gaza, Egypte : le voile se lève sur le crime géopolitique en marche…
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« GAZA - La clef du génocide: L’unité 8200 de surveillance israélienne n’était pas opérationnelle le 7 octobre 2023Gaza, nettoyage ethnique en marche: vers l'Egypte ou vers la mort? »
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