Israël-Palestine: un seul ou deux Etats? La problématique est-elle encore de mise? A l'heure ou près de deux millions de réfugiés n'ont plus nulle part où aller, plus le moindre recoin de sécurité, la question n'est-elle pas devenue purement "théorique" et complètement déconnectée des réalités urgentes de la simple survie humaine? Néanmoins, elle préoccupe encore quelques intellectuels militants, et nous avons donc reçu par mail ce projet de proposition, en faveur d'une "nouvelle solution à Etat unique", certainement animée des meilleures intentions, à la suite duquel nous formulons donc une réponse sur ce point, et plus générale, sur le contexte.
Conflit israélo-palestinien : la solution d’un État unique
Publié le 2 décembre 2023
Le conflit israélo-palestinien n’a pas cessé depuis la proclamation de l’État d’Israël et vient d’atteindre des sommets dans la barbarie. Il faut impérativement lui trouver une issue politique. Mais laquelle ? Les États tiers, dont la France, continuent à prôner la solution à deux Etats. Est-elle encore d’actualité ?
Il est clair que non. Le directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humanitaires, Craig Mokhiber, l’a dit dans sa lettre de démission du 28 octobre 2023 : "Le mantra de la “solution à deux États” est devenu un objet de plaisanterie dans les couloirs de l’ONU, tant pour son impossibilité absolue dans les faits que pour son incapacité totale à tenir compte des droits humains inaliénables du peuple palestinien."
Il suffit de regarder les cartes de la Palestine de 1945 à nos jours pour s’en convaincre.
Réduite comme peau de chagrin à 12% de sa superficie initiale, la Palestine actuelle, divisée entre la bande de Gaza et une Cisjordanie-croupion parsemée de colonies juives chaque jour plus nombreuses, serait un pays ingérable. Même ramenée aux frontières de 1967.
En fait, seules les frontières du plan très contesté du 24 novembre 1947 pourraient à la rigueur offrir une solution gérable, dans la mesure où les superficies des deux États seraient quasi-équivalentes et où, surtout, ils auraient chacun une continuité géographique, les passages du Nord au Sud et d’Est en Ouest entre les trois "morceaux" d’Israël d’un côté, et ceux entre les trois "morceaux" de Palestine de l’autre, se faisant grâce à deux carrefours "neutralisés", placés sous le contrôle conjoint des deux États et la supervision de l’ONU ou d’une instance internationale ad hoc.
Cependant, il n’est guère pensable qu’Israël, après l’assassinat de Yitzhak Rabin, accepte de renoncer à ses conquêtes successives pour revenir à la partition de 1947, dont les Arabes de leur côté ne voulaient pas.
Dès lors, il ne reste qu’une solution : un seul État israélo-palestinien, possiblement fédéral comme la Suisse, assurément laïque, peuplé de citoyens tenus comme tels indépendamment de leurs origines, leurs croyances, leurs cultures. C’est précisément ce que propose Craig Mokhiber : "Nous devons soutenir l’établissement d’un État unique, démocratique et laïque dans toute la Palestine historique, avec des droits égaux pour les chrétiens, les musulmans et les juifs". Ayant oeuvré trente ans pour le respect des droits humains partout où ils étaient bafoués, il mérite d’être écouté. C’est d’ailleurs la solution que semblaient préférer nombre de jeunes palestiniens et israéliens avant le 7 octobre 2023.
Craig Mokhiber estime en outre que ce processus devra impliquer un processus de désarmement : "nous devons plaider pour le retrait et la destruction des stocks massifs d’armes nucléaires, chimiques et biologiques d’Israël, évitant ainsi que le conflit ne conduise à la destruction totale de la région et, qui sait, au-delà". Mais il n’est pas concevable qu’Israël renonce seul à ses armes de destruction massive, en particulier nucléaires. Les autres États dotés, ou susceptibles de s’en doter comme l’Iran, l’Égypte, l’Arabie saoudite et d’autres, devront y renoncer aussi. Il faudra donc ouvrir à tous les États concernés les négociations prévues à l’article 6 du TNP, que ces États en soient signataires, comme les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ou qu’ils ne le soient pas, comme Israël, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord.
Quoique fort complexes, de telles négociations auront pour vertu non seulement de pacifier le Moyen-Orient et de résoudre enfin le conflit israélo-palestinien, mais encore d’en résoudre et d’en prévenir dans d’autres régions du monde, y compris en Ukraine ou en Extrême-Orient. Car si la guerre est contagieuse, la paix et le désarmement le sont aussi, à l’instar du Traité de Washington de décembre 1987, suivi deux ans plus tard de la chute du mur de Berlin enterrant la Guerre froide. Jusqu’à ce que le réarmement reparte.
Cette solution peut sembler utopique. Elle ne l’est pourtant pas plus que celle à deux États qui, après 75 ans d’échecs, nous force à imaginer autre chose. Alors imaginons.
Au terme du processus, Israël n’existera plus comme "entité sioniste" séparée. Mais les Juifs auront un foyer national qui ne pourra plus faire l’objet d’aucune attaque arabe. En paix à l’intérieur comme à l’extérieur, cet État binational pourra intégrer les Arabes israéliens et accueillir, dans les limites et selon les règles convenues entre les parties, les Juifs et les Palestiniens de la diaspora. Modèle de cohabitation multiethnique et multireligieuse entre juifs, chrétiens, musulmans, agnostiques ou athées, entre sémites de toutes origines, entre sémites et non-sémites, modèle de liberté, d’égalité et de fraternité, à la fois respectueux des droits humains et conforme à l’esprit des kibboutzim des origines, il renverra l’antisémitisme, antijuif ou antimusulman, aux poubelles de l’histoire.
Le principal obstacle à cette évolution -ou révolution- ne réside pas dans la volonté des peuples, qui peuvent encore s’entendre malgré les souffrances et les haines accumulées et qui aspirent profondément à la paix, mais plutôt dans la volonté de ceux de leurs dirigeants qui ne croient qu’en l’exercice de la force armée, de la domination et de la violence.
L’intérêt et la vie même des Israéliens et des Palestiniens se conjuguent. Le conflit a rendu leurs liens inextricables. Mais loin d’être un obstacle, ce sera une richesse pour l’État laïque israélo-palestinien qui pourra naître de négociations loyales, menées par de nouveaux dirigeants déterminés à faire à la paix. Il en existe des deux côtés. C’est aux deux peuples concernés de les porter au pouvoir, et aux "États démocratiques", poussés par leurs opinions publiques, de soutenir ce changement d’ère et d’imaginaire.
Albert Camus le disait au lendemain d’Hiroshima : "Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison."
Paris et Tel Aviv, le 30 novembre 2023
Jean-Marie MATAGNE, Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
Docteur en Philosophie
Yehuda ATAI, Cofondateur du Comité Israélien pour un Moyen-Orient sans armes de destruction massive
Docteur en Théorie des Systèmes Informatiques
Source ACDN: https://www.acdn.net/spip/spip.php?article1334&lang=fr
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Bonjour !
Un ou deux Etats ?
J’ai eu récemment l’occasion d’en débattre, en marge de cet article :
Tsahal Vs Hamas : la guerre est-elle un « spectacle privé » pour journalistes et députés ?
Mais si cette « nouvelle » phase de la guerre au Moyen-Orient, commencée avec le 7 octobre, semble désormais focaliser les « passions » politiques et journalistiques, elle (...)
3306 visites29 nov. 2023 | 67 réactions | Luniterre + Partager
…dont ce n’était pourtant pas le sujet immédiat.
La solution à deux Etats, étant donné le fossé actuellement creusé entre les deux communautés ethniques, pourrait être une sorte de « sas de décompression », avant la mise en place d’une structure réellement intercommunautaire. Néanmoins, cela implique, même à titre provisoire, une continuité des territoires, à priori compliquée, et surtout, un partage équilibré des ressources économiques, y compris en eau, par exemple.
Mais pour l’instant cela relève déjà de l’utopie, avant même de penser à aller plus loin, vers une Palestine intercommunautaire unique, éventuellement plus ou moins « fédérale ».
Actuellement, c’est donc la solution d’un Etat d’apartheid, avec quelques « bantoustans » palestiniens résiduels, dont Gaza, qui prévalait. Cela était appelé à changer avec le projet « Nouveau Moyen Orient » présenté par Netanyahou, sans plus la moindre trace de « Palestine ».(*)
Projet contre lequel la majorité des Etats arabes, parties prenantes, au départ, n’ont émis que des protestations de pure forme, concernant la disparition totale de la Palestine.
C’est dans ces conditions que le Hamas, teneur officiel du « bantoustan » Gaza, et appointé depuis plus de quinze ans déjà par Israël et la « communauté internationale » pour tenir ce territoire, se voyant « dépossédé » dans cette perspective, a donc décidé de jouer son va-tout, le 7 Octobre.
Il l’a néanmoins fait en respectant un plan élaboré à l’avance et parfaitement connu de l’Etat-major israélien, qui lui a donc habilement laissé le « champ libre » pendant quelques heures, au prix « modeste » de finalement 1200 vies israéliennes et quelques 240 « otages », afin de « bénéficier » du choc ainsi créé dans l’opinion israélienne et internationale pour tenter d’éradiquer carrément le « bantoustan » Gaza en chassant sa population vers le Sinaï égyptien, via Rafah.
Mauvais calcul, sur ce point, puisque l’Egypte, gouvernée par l’intelligent Sissi, a refusé de jouer ce jeu.
Néanmoins, Netanyahou, relativement pris à son propre piège, ne peut plus reculer avant d’avoir au moins entamé sérieusement l’infrastructure militaire du Hamas, ce qui est loin d’être « achevé », même à un stade suffisamment significatif pour qu’il puisse revendiquer une « victoire » sur un tas de ruines.
Pour l’instant il n’y a donc pas de solution du tout, ni à un, ni à deux Etats, mais bien simplement une nouvelle masse de « réfugiés » sans toits, sans eau, sans ressources alimentaires, sans électricité : une masse de 1,5 à 2 millions de personnes humaines. (1,9 million, aujourd’hui, selon l’ONU)
C’est, dans les semaines et les mois à venir le véritable problème que la « communauté internationale », qui a laissé cette situation se développer, avec quelques protestations de pure forme, devra donc « résoudre », bien avant d’aller plus loin.
Israël n’a jamais existé, on s’en rend compte aujourd’hui, autrement que comme entreprise colonialiste, depuis 1948. Etat colonialiste et « proxy » stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient.
Pour l’instant, on ne voit pas que les USA laissent « tomber » cet « allié », en réalité, ce pion, essentiel pour eux. Bien au contraire, on voit plutôt qu’ils choisiront de laisser tomber un autre pion, le régime de Zelensky, en Ukraine, pour concentrer leurs moyens désormais « raccourcis » pour soutenir plutôt Israël.
Dans un cas comme dans l’autre, Palestine ou Ukraine, la situation, et la solution éventuelle, dépend en grande partie du contexte géopolitique mondial.
Un monde multipolaire tente courageusement de naître, à travers les BRICS, notamment, en opposition à l’hégémonie US. Une Palestine plus ou moins « fédérale » et intercommunautaire aura certainement sa place dans un tel monde, mais pour l’instant, ce n’est pas encore gagné…
Idem pour la question du désarmement : l’initiative de l’armement nucléaire provient des USA et de leur volonté hégémonique, à la fin de la 2ème GM, en 1945. Ensuite les autres Etats, dont la France du Général De Gaulle, ont voulu s’armer pour défendre leur indépendance. L’idée de désarmement n’est revenue qu’avec le relatif et précaire « équilibre des forces » dû à la « guerre froide ». A présent elle ne pourrait revenir que dans un monde multipolaire réellement abouti et donc débarrassé de la volonté hégémonique US.
Pour l’instant un tel monde relève lui aussi de l’utopie, mais au moins, il y a l’amorce d’un mouvement… !
Mais dans l’instant précis de Gaza, après avoir « vidé » le nord pour le sud, Tsahal « vide » maintenant le sud pour nulle part, vu que la frontière est fermée, à Rafah :
"Nous voulons comprendre. S'ils veulent nous tuer, qu'ils nous encerclent dans un seul endroit et nous éliminent tous ensemble. Mais nous pousser à nous déplacer d'un endroit à l'autre, ce n'est pas juste. Nous ne sommes pas de simples chiffres. Nous sommes des êtres humains", espère encore un gazaoui, interrogé par l’AFP.
Pourtant, aujourd’hui, Israël mène sa guerre à l’aide de l’« intelligence artificielle ». Chiffres ou pas, malgré sa supposée sophistication technologique, elle ne connaît qu’une opération : la soustraction.
L’addition de la « reconstruction » dont on ne peut même pas encore imaginer quoi, elle, restera néanmoins à payer, et par qui ? Par la « communauté internationale », qui a laissé faire ces massacres ?
Luniterre
http://cieldefrance.eklablog.com/israel-palestine-un-seul-ou-deux-etats-a-l-heure-du-genocide-la-proble-a215090773
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(* Un "Nouveau Moyen-Orient", revu et "corrigé" par Netanyahou:
Crimes de guerre du Hamas et "Effet Pearl Harbour" :
avec ou sans préméditation ?
http://cieldefrance.eklablog.com/crimes-de-guerre-du-hamas-et-effet-pearl-harbour-avec-ou-sans-premedit-a214883557
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Egalement dans le contexte du 7 octobre:
Crimes terroristes : après le discours de Macron, Arras, la "piqûre de rappel" ???
http://cieldefrance.eklablog.com/crimes-terroristes-apres-le-discours-de-macron-arras-la-piqure-de-rapp-a214889305
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[ 22 SEPTEMBRE 2023 ]
Netanyahu montre la carte du « Nouveau Moyen-Orient »
– sans la Palestine –
aux Nations Unies
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a provoqué la colère des Palestiniens et de leurs défenseurs vendredi [22 SEPTEMBRE - NDLR] après avoir présenté une carte du « Nouveau Moyen-Orient » sans la Palestine lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.
S’adressant à une salle en grande partie vide, Netanyahu – dont le gouvernement d’extrême droite est largement considéré comme le plus extrême de l’histoire israélienne – a montré une série de cartes, dont une ne montrant pas la Cisjordanie, Jérusalem-Est ou Gaza. Ces territoires palestiniens sont occupés illégalement par Israël depuis 1967, à l’exception de Gaza – dont les forces israéliennes se sont retirées en 2005, tout en maintenant la mainmise économique sur cette bande côtière densément peuplée.
Regard sur le Moyen-Orient a rapporté que Netanyahu a également brandi une carte « d’Israël en 1948 » – l’année où l’État juif moderne a été créé, en grande partie grâce au nettoyage ethnique de plus de 750 000 Arabes – qui incluait à tort les territoires palestiniens comme faisant partie d’Israël.
L’ambassadeur palestinien en Allemagne Laith Arafeh dit sur les réseaux sociaux, qu’il n’y a « pas de plus grande insulte à chaque principe fondateur des Nations Unies que de voir Netanyahu afficher devant l’AGNU une « carte d’Israël » qui chevauche l’ensemble du territoire, du fleuve à la mer, niant la Palestine et son peuple, puis en tentant de faire tourner le public avec une rhétorique sur la « paix » dans la région, tout en consolidant la plus longue occupation belligérante du monde d’aujourd’hui.
Comme Regard sur le Moyen-Orient noté :
L’inclusion des terres palestiniennes (et parfois des terres appartenant à Syrie et Liban) sur les cartes israéliennes est courant parmi les partisans du concept d’Eretz Yisrael – Grand Israël – un élément clé du sionisme ultra-nationaliste qui prétend que toutes ces terres appartiennent à un État sioniste.
Plus tôt cette année, le ministre des Finances de Netanyahu, Bezalel Smotrich, s’est exprimé depuis un podium orné d’une carte incluant également la Palestine, le Liban et la Syrie dans le cadre du Grand Israël. Dans le même événement, il a dit il n’y avait « rien de tel que les Palestiniens ».
L’utilisation de telles cartes par les responsables israéliens intervient à un moment où le gouvernement ultranationaliste de Netanyahu a pris des mesures qui, selon les experts, équivalent à « l’annexion de jure » de la Cisjordanie occupée.
https://www.toussus.net/netanyahu-montre-la-carte-du-nouveau-moyen-orient-sans-la-palestine-aux-nations-unies/
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